Partie intégrante d’un costume ou d’une tenue, la coiffure est porteuse non seulement d’un style et d’une mode, mais aussi d’histoire. Saviez-vous, par exemple, que porter un carré court était extrêmement controversé lors de l’apparition de cette nouvelle coiffure dans les années 20 ? Pour parler d’histoires de cheveux, j’ai profité de ma dernière séance au salon de coiffure Sweet m’Elodie pour poser quelques questions à Élodie sur les coiffures du vingtième siècle. Voici donc ce mois-ci un article en histoires et en interview.

Cela fait maintenant quelques années que je porte un carré aux allures rétro. Non seulement j’adore cette coiffure, qui est jolie et pratique à apprêter, car mes cheveux lisses s’y mettent tous seuls, mais je la chéris d’autant plus que son histoire est portée par un chapitre important de l’émancipation des femmes lors de la période suivant la première guerre mondiale. En effet, jusqu’au début du vingtième siècle, les femmes portaient les cheveux longs.

Seules quelques rares femmes osaient porter des coupes courtes. À partir de la fin de la guerre, des vagues d’émancipation féminine déferlent. Mouvements qui déboucheront, entre autres, sur le droit de vote accordé aux femmes dans certains pays¹. Les jupes se raccourcissent, mais aussi les cheveux !

En 1915 aux États-Unis, la danseuse Irene Castle lance le Castle Bob, coupe au carré avec les cheveux à hauteur de mâchoire. Dans l’esprit de légèreté et de festivité des Années Folles, cette coupe se répand sous diverses variations, avec ou sans boucles.

Cette coupe courte deviendra le symbole des Flappers et la coiffure typique de l’époque. Mais non sans mal, comme tout changement : cette coiffure à la garçonne fait d’abord scandale. Un article publié en 1925 relate que les femmes portant leurs cheveux coupés courts derrière la nuque, plus exposées aux courants d’air, risqueraient fort bien d’attraper des « shingle headache », shingle signifiant la maladie du zona ! C’est d’ailleurs de ce terme que vient le nom anglais du carré lisse de Louise Brooks, nommé shingle bob ou boyish bob (carré à la garçonne). Mais la coiffure fait fureur auprès des dames (et des coiffeurs !) et les journaux américains se disputent la réponse à une nouvelle question existentielle, « to bob or not to bob » !

Pour ma part, la question ne s’est pas résolue en une fois, mais petit à petit, mes cheveux longs sont devenus de plus en plus court… Et donc cette coupe, pendant qu’Élodie donne des coups de ciseaux dans mes cheveux, je lui pose quelques questions.

Lulu Wite: Est-ce que tu aurais des anecdotes à me raconter sur les coupes de cheveux courts des femmes ?
Élodie: Dans les années 40, la mode revenait aux cheveux longs. Mais début 50, ils ont préféré remettre au court, parce que sinon les gens ne venaient plus assez chez le coiffeur. À la Coiffure de Paris, ils ont relancé des modes avec des cheveux courts. Peut-être que dans les années 20, ils n’étaient d’abord pas trop pour, mais finalement ils ont compris que ça leur rapportait plus de sous, pour faire revenir les clientes plus souvent en fait !


LW: Et donc, tu es coiffeuse et as ouvert il y a un peu plus de 6 ans ton salon de coiffure de style vintage à Martigny. Il ne me semble pas que tout le monde porte une coupe d’époque ici, qu’est-ce que tu fais comme styles de coupes en général ?
Élodie: Je fais un peu de tout, dans le sens où je suis quand même en Valais ! Il n’y a pas tout le monde qui veut des coupes vintage. Mais vu que les tendances sont revenues un peu au vintage, en tout cas pour la coiffure homme, ça se fait de plus en plus. Disons, ce mix avec la coupe hipster. Du côté des femmes, c’est un peu plus compliqué. Des coupes de cheveux qui pourraient être des coupes d’époque, il faut les apprêter au quotidien. Alors pour tous les jours, c’est un peu compliqué. Mais des coiffures vraiment d’époque, j’en fais beaucoup pour des soirées, des mariages, des soupers de boîtes. Certaines clientes aiment bien pour le plaisir, le week-end et pour des occasions.

LW: C’est donc plus facile pour les coupes d’hommes ?
Élodie: La différence entre une coupe de femme ou d’homme de l’époque, c’est que pour la femme, le coiffage est beaucoup plus élaboré que la coupe en elle-même. La coupe de cheveux est relativement basique, mais après il y a une mise en forme. C’est le coiffage qui rend la coiffure esthétiquement si jolie, c’est travaillé. Alors qu’un homme, c’est la coupe de cheveux qu’il fait et ensuite, il se coiffe avec de la Gomina, Brylcreem et autres.

Mais disons, même si en sortant de la douche il se coiffe les cheveux en arrière, il a déjà la coupe de cheveux. Alors qu’une femme pas ! Aujourd’hui, bien sûr, on a des coupes de cheveux de femmes qui rappellent le style. Mais on n’a jamais la même finition. Déjà à la base, c’était une permanente, aujourd’hui les permanentes ne sont plus les mêmes qu’à l’époque. Et puis aujourd’hui, on se lave tellement souvent les cheveux que le résultat n’est plus le même. À l’époque elles se coiffaient, disons, une fois pour deux trois semaines !

LW: Et donc, il y avait déjà des permanentes à l’époque ? C’est né quand, d’ailleurs ?
Élodie: Oui, elles étaient toutes permanentées à l’époque, faut pas rêver ! C’est venu assez tôt. Ça a été inventé au tout début du vingtième siècle. Mais alors, les permanentes qu’elles faisaient duraient une année. Elles se cramaient les cheveux. D’ailleurs il y avait des gros risques de brûlures, c’était hyper violent ! Tu as déjà vu des photos ? Je n’aimerais pas être à leur place !

LW: Et une dernière question, sur ton travail, comment est-ce que tu as appris à faire des coiffures d’époques ?
Élodie: Déjà le style et la culture me plaisaient, alors après je me suis intéressée plus au côté vestimentaire, puis au fur et à mesure je me suis intéressée aux coiffures, par le biais des photos, par le biais des films. Parce que bon, les photos c’est sympa, mais il n’y a pas le côté mouvance. Dans les films, tu en vois un peu plus. Même si les cheveux bougeaient pas beaucoup – ce n’était pas le but ! – tu vois quand même la réaction, ça aide. Et puis après, j’ai essayé d’apprendre à me coiffer moi-même. Ce qui n’était pas toujours évident ! Et à la suite de ça j’ai expérimenté, sur des modèles ou autres, et ensuite sur les clientes ! Mais je n’ai pas eu une formation spécifique pour ça. C’est vraiment par amour de ces coiffures. Il y a un côté très élégant, ce qui ne se retrouve pas forcément dans la plupart des coiffures actuelles. Comme je le disais avant, c’était plus apprêté !
Eh bien, vous savez ce qu’il vous reste à faire ? Vous gaver de films d’époque et / ou faire un passage chez Élodie !
¹Pas encore en Suisse malheureusement, où les femmes devront attendre 1971 pour obtenir le droit de vote fédéral, puis 1991 pour le vote cantonal dans tous les cantons suisses.
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