Septembre-octobre 2019 – Retour sur la conférence de corseterie

Avec un peu de retard, certes, voici mon reportage sur la conférence de corseterie, à laquelle j’ai participé fin août dans la petite ville idyllique et studieuse d’Oxford. De la couture, de l’histoire, des corsets, des baleines, de la dentelle et encore des corsets : je vous relate mes beaux souvenirs de ce rassemblement de corsetiers et corsetières venu.e.s du monde entier pour l’événement.

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À gauche, la maison aux allures de manoir où j’ai dormi, à droite, vue sur les toits d’Oxford.

Je suis arrivée le vendredi soir dans la petite ville de Headington, à l’ouest d’Oxford, où une amie m’a hébergée avant et après la conférence, dans la maison familiale de ses parents. Samedi matin, je me suis rendue à Oxford au Jesus College, là où avait lieu l’événement durant tout le week-end. Je suis instantanément tombée amoureuse de cette petite ville britannique pleine de charme.

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Repas du samedi soir dans la salle de banquet du Jesus College. Photo: Zoé Corsets.

C’est donc dans le cadre merveilleux qu’offrait le Jesus College que s’est déroulée la conférence. Les journées de samedi et de dimanche étaient remplies par des séminaires sur des thèmes très variés liés à la corseterie, tous plus intéressants les uns que les autres. Alison Campbell, créatrice de Crikey Aphrodite et co-organisatrice de la conférence, nous a présenté des études de pièces historiques ainsi que les différentes étapes et réflexions faites pour en coudre des reproductions le plus conformément possible à ce qui a été fait à l’époque. Entre autres, elle nous a présenté cette superbe robe de soirée créée par Christian Dior dans les années 1950, avec un corset directement intégré au bustier, comme cela se faisait souvent au milieu du 20ème siècle. À cette époque, les corsets réducteurs de taille contraignants sont progressivement abandonnés, laissant la place à des corsages baleinés sculptant les silhouettes de manière plus légère et plus facile à porter.

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La robe Christian Dior des années 1950 présentée par Alison.

Le week-end précédent la conférence, j’étais allée visiter l’exposition de la collection de corsets « Nuit de Satin » à Bâle, dont je vous ai fait le récit dans un précédent article. Ma grande frustration alors était de ne pas pouvoir scruter et admirer les pièces sous tous leurs angles et sous toutes leurs coutures. Vous n’imaginez probablement pas à quel point je me suis mise à baver lorsque je suis entrée dans la salle de la session donnée par Stephanie Selmayr, de Past Pleasures, et que j’ai vu sur les tables des dizaines de corsets de l’époque victorienne sagement posés, à l’air libre, sans la moindre vitrine pour mettre un frein à ma curiosité !

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Des corsets historiques, aux origines allant du 18ème au 20ème siècle, de la collection de Stephanie Selmayr.

Stephanie nous a d’abord présenté sa collection, puis nous avons pu observer et toucher ces magnifiques et précieuses pièces à notre guise. Il est malheureusement impossible de retranscrire en photographie toute la beauté de ces objets rares, mais voici tout de même quelques détails en photos ci-dessous.

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Détails de corsets de la collection de Stephanie Selmayr.

Les petites broderies que vous pouvez voir sur les photos de droite et de gauche sont très spécifiques aux corsets. Ces petits points brodés, surnommés les abeilles, sont souvent intégrés à des motifs floraux pour décorer les corsets. Cependant, la principale raison de leur présence était de renforcer le tissu aux extrémités des baleines (qui, soit dit en passant, étaient faites en vrais fanons de baleines à l’époque, d’où leur nom qui est resté). En effet, les corsets étaient portés quotidiennement. Le tissu d’un corset étant soumis à de forte contraintes (c’est le but !) avait donc tendance à s’user beaucoup aux pointes des baleines. Ces broderies servaient à renforcer ces endroits se fragilisaient avec le temps. De plus, comme les femmes portaient des corsets tout le temps, il en existait évidemment pour toutes les occasions dont, entre autres, des modèles plus adaptés aux fortes chaleurs. C’est le cas par exemple de celui qui est au centre de la photo ci-dessus, dont une partie des panneaux est faite en tissu à mailles. Léger tout en restant solide, ce tissu spécial permet de laisser passer l’air.

Parmi tous ces corsets, dont la plupart datait de l’époque victorienne, quelques pièces plus « modernes » étaient aussi présentées. Entre autres, une valise « Spencer Supports », qui avait dû servir, dans les années 1950, pour des essayages lors de vente de corsets et gaines de la marque Spencer. La valise contenait plusieurs échantillons de corsets, avec possibilité de varier les tailles et adapter les mesures, ainsi qu’un petit livret explicatif vantant les mérites du soutien offert par ces corsets. Leur publicité « before – after » fait sourire, petit aperçu en photo.

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Aperçu du livret fourni dans la valise « Spencer Supports ».

Nous avons aussi eu un cours sur les corsets en ruban, donné par Marianne Faulkner, de Pop Antique, et spécialiste dans la création de corsets de ce type. La construction d’un corset en ruban peut paraître bien différente d’un corset « classique », car au lieu de panneaux verticaux, il est constitué de rubans placés horizontalement et cousus uniquement à leurs extrémités. Cependant, le résultat une fois porté est le même qu’un corset habituel. J’ai trouvé tout cela passionnant, et me suis rappelée avoir été surprise lorsque j’avais appris, récemment, que ce genre de corsets datait de l’époque victorienne.

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À gauche, un corset en ruban du 19ème siècle faisant partie de la collection apportée par Stephanie Selmayr, à droite, une photo trouvée sur internet d’un célèbre corset historique en ruban dont nous avons discuté lors du cours de Marianne.

Nous avons de plus eu un cours sur les asymétries, donné par Automn Adamme, fondatrice et directrice de Dark Garden à San Francisco. Chaque corps présente des asymétries, certains plus que d’autres et il est important d’en tenir compte lors de la fabrication d’un corset : un patron différent adapté à chaque côté ! Puis, Anthony Ladd Canney de House of Canney, qui compte parmi ses clientes Violet Chachki et Dita von Teese, nous a parlé de fabrication de corsets pour hommes ou personnes transgenres. Il s’est fabriqué son premier corset en étant enfant et n’a pas arrêté d’en porter depuis. Julia Bremble, organisatrice de cette conférence et détentrice de la boutique de fournitures de corseterie Sew Curvy, a donné un cours sur le travail d’Iris Norris.  Cette célèbre corsetière anglaise, qui a fabriqué et vendu des corsets pendant plus de 50 ans à travers le 20ème siècle, était la spécialiste du tight-lacing, autrement dit du laçage serré. Un corset permettant une grande réduction de taille requiert beaucoup de savoir-faire et Iris Norris avait ses techniques bien à elle. Julia nous les a présentées, illustrant ses propos en nous montrant de vrais corsets réalisés par Iris. Tout un art de mettre le corps en formes, en gardant un maximum de confort !

Enfin, j’ai absolument adoré le séminaire donné par Luca Costigliolo, costumier de théâtre et de films et enseignant à The School of Historical Dress à Londres. Il nous a donné un cours très animé évoquant ses recherches sur les techniques historiques de conception de patrons de corps à baleine, qui étaient portés typiquement aux 17-18èmes siècles et sont les ancêtres du corset. Son cours était passionnant du début à la fin, agrémenté d’humour et d’anecdotes cocasses. Il nous a même exposé quelques pièces historiques datant d’il y a plusieurs siècles, ainsi que des corps baleinés que lui et son équipe ont créés pour des films.

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Quelques vues de la cour intérieure de Jesus College.

Au programme entre les cours, papotages avec les autres participant.e.s et beaucoup d’échanges, non seulement d’idées, mais aussi de fournitures : l’idée géniale, c’était la swap table (à droite sur la photo ci-dessous), table sur laquelle chaque participant.e était invité.e à déposer du matériel susceptible de terminer dans un corset. Nous pouvions ensuite repartir avec quelque chose de quelqu’un d’autre. Pratique pour se débarrasser d’un morceau de ruban qui finalement n’a pas convenu, mais conviendra à quelqu’un d’autre, ou alors d’un reste de tissu, qui était beaucoup trop grand et pourra encore servir à coudre autre chose. Une autre table (à gauche sur la photo) était à disposition des corsetier.e.s pour exposer leurs créations. J’ai énormément apprécié le fait de pouvoir regarder en vrai le travail de ces artistes que j’admire beaucoup !

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À gauche, les pièces exposées par les créateurs et créatrices présent.e.s à la conférence et à droite, la « swap table ».

Le samedi soir, pendant le banquet, nous avons eu une intervention de Ian Frazer Wallace, de The Whitechapel Workhouse, qui nous a parlé du travail de costumier et corsetier dans l’industrie du cinéma. Illustrée de plein d’anecdotes tirées de son travail personnel, entre autres pour le film Mary Poppins Returns, sa présentation était captivante et faisait rêver !

Pour terminer la conférence, une table ronde était organisée, abordant la thématique du business, quels sont les avantages ainsi que les inconvénients en tant que corsetier.e indépendant.e. Le débat était très animé et j’ai trouvé les différents points de vue vraiment intéressants. Un week-end très inspirant, donc, qui m’a laissée avec des étoiles plein les yeux et des rêves plein la tête ! Ce n’est certainement pas la dernière fois que je vous parle de corsets, je me suis d’ailleurs déjà mise à la confection de mon second corset, prévu pour le costume de mon prochain numéro en cours de création. Affaire à suivre, donc…

 

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