Cet automne, la créatrice de mode Anne-Sophie Villard a inauguré sa boutique, désormais installée à une adresse permanente chez BLK & YLW. Située à Genève, c’est un nouvel espace dédié aux créateurs de la région. Depuis plusieurs années déjà, elle crée et vend des robes, subtilement inspirées de rétro sous les mots d’ordre de la féminité et de l’élégance – mais tout en confort au quotidien. Vous comprendrez donc mon intérêt pour ses créations : je me suis rendue à sa boutique pour y faire un tour et lui poser quelques questions.

Lulu Wite: Pour commencer, j’ai quelques questions sur ton parcours et ce qui t’a amenée jusque là. À quel âge as-tu commencé la couture ?
Anne-Sophie: J’ai reçu ma première machine à coudre quand j’avais 10 ans. J’ai commencé, je ne sais pas comment, car dans ma famille personne ne faisait de la couture. Ma grand-mère cousait parce qu’elle était un peu obligée mais elle n’aimait pas ça. Et c’est elle qui m’a offert ma machine à coudre parce que j’en demandais une absolument. J’ai commencé comme ça, toute seule, je faisais des choses sur des petits t-shirts, des gribouillages. Et puis une fois que j’ai eu une machine à coudre, j’ai d’abord fait une jupe, pour m’entraîner. Et à 12 ans, j’ai fait ma première robe, pour ma mère. C’était une robe de soirée, longue, avec un grand dos nu. Vraiment un gros truc, on avait pris un patron Vogue avec mon père qui n’y connaissait rien, on s’était mis au sous-sol, il y en avait partout ! On a réfléchi ensemble comment mettre le patron, et après j’ai cousu selon ce qu’on avait préparé. Et ça a donné quelque chose que ma mère a quand même porté ! Chaque fois qu’on partait en vacances, elle prenait la robe et elle la mettait une fois pour aller au restaurant.
LW: Et par la suite, qu’est-ce qui t’a amenée à devenir créatrice de vêtements ?
AS: Après, j’ai toujours fait ça. Depuis toute petite, je dessine des robes, ça a toujours été là. En sortant du bac, j’ai voulu intégrer une école de mode. C’était une année à Florence, une année à New-York, et du coup l’école était en anglais. J’ai préparé tout mon dossier, j’ai dû faire plein de dessins et tout. Et j’ai pas eu l’examen d’anglais… mon dossier n’a même pas été regardé, il est passé direct à la poubelle ! Donc j’ai commencé un bachelor en HEC, c’était pas drôle mais j’ai quand même terminé, car quand je commence quelque chose je le finis. Et la dernière année, j’ai pu partir pour faire un échange en Écosse, où j’ai appris l’anglais. Donc j’ai représenté un nouveau dossier à l’école de design, et cette fois j’ai été acceptée. Là, j’ai vraiment appris le patronage, le drapage, toutes les petites techniques que je ne connaissais pas. J’avais appris plein de choses par moi-même, mais c’était un peu du bidouillage.
LW: C’était vraiment un parcours tout tracé, alors ! Ensuite, tu as créé ta marque directement ?
AS: Presque ! J’ai bossé chez deux designers différents à ma sortie de l’école, encore à New-York. Mais je voulais revenir ici, alors j’ai travaillé un peu dans la comm’, le marketing, avec toujours d’autres idées derrière la tête. J’ai commencé avec les filles de la danse [Anne-Sophie enseignait la danse chez Secret Follies, N.D.L.R.], je portais mes robes et elles m’ont demandé si c’était moi qui les avais faites, et « est-ce qu’on peut en avoir une ? », j’ai eu mes premières commandes comme ça. Alors je me suis dit : Bon. Allez go. On essaie ! Et puis depuis je fais ça, c’est devenu mon job.

LW: Tu as commencé par vendre tes robes dans des pop-up stores et lors d’événements et salons, et maintenant tu viens d’ouvrir un rayon dans la boutique BLK & YLW. Je me demandais, est-ce que tu vends beaucoup de robes ?
AS: Ça dépend vraiment des événements, des lieux. Je remarque que depuis que je suis ici, je vends plus de robes enfants et d’accessoires que de robes femmes. Pendant les événements, c’est plus concentré. Mais c’est hyper variable, et je n’arrive pas à dire ce qui influence ça.

LW: Et toutes ces robes, tu es seule à les produire ou tu as maintenant des employé.e.s?
AS: Je fais une grande partie toute seule, mais maintenant j’ai des couturières indépendantes à qui je peux dédier une partie de la couture. Pour les robes de mariées, je fais encore toute la couture, les retouches. Sinon, j’ai vraiment gardé au maximum le patron, le prototypage, et j’essaie tant que possible de déléguer la couture. Après, j’aimerais bien trouver une petite usine qui peut faire ça, tout centraliser. Mais c’est pas possible pour le moment parce que j’ai pas assez de pièces. Généralement, je fais seulement cinq robes par modèle.

LW: Quel a été le vêtement le plus difficile qu’on t’ait demandé de faire, ou que tu as fait pour toi ?
AS: Ce que je déteste faire, c’est les chemises. Alors je n’en fais pas ! J’en ai fait à l’école, mais c’est insupportable à faire, il y a beaucoup de pièces, c’est compliqué.
LW: Et quelle est ta plus belle réussite dans ton parcours, quelque chose en particulier dont tu es fière ?
AS: La robe que j’ai faite quand j’avais 12 ans [rires]. Non, c’est peut-être pas la plus grande, mais j’en suis très fière. Peut-être le prix que j’ai gagné avec une robe, à New-York. Le thème, c’était Andy Warhol, et j’ai fait une robe où j’ai fait imprimer le tissu avec un motif.

LW: Et enfin, quels sont tes projets pour le futur ? Si ça n’est pas top secret…
AS: J’aimerais bien faire des pantalons pour l’été prochain. J’ai déjà fait des combi-pantalons, j’aimerais bien tester juste les pantalons. Sinon, faire tourner la boutique !
LW: Ce qui est déjà un beau défi ! Je te souhaite plein de succès dans ce nouveau départ. Et pour les lecteur.rice.s qui seraient curieux.se.s, la boutique BLK & YLW est un concept store monté par Eliran Ashraf, qui propose une sélection d’objets produits par une trentaine de créateurs. À côté du style plutôt urbain du magasin d’Eliran, le show-room d’Anne-Sophie est plus romantique. C’est son espace à elle, entièrement dédié aux vêtements qu’elle vend ainsi qu’à quelques pièces d’autres créateurs sélectionnés par ses soins et s’alliant avec son style à elle.
